constance de vitreuil

featuring. frida gustavsson

Selon une légende, il est un oiseau qui ne chante qu'une seule fois de toute sa vie, plus suavement que n'importe quelle créature qui soit sur terre. Dès l'instant où il quitte le nid, il part à la recherche d'un arbre aux rameaux épineux et ne connaît aucun repos avant de l'avoir trouvé. Puis, tout en chantant à travers les branches sauvages, il s'empale sur l'épine la plus longue, la plus acérée. Et, en mourant, il s'élève au-dessus de son agonie dans un chant qui surpasse celui de l'alouette et du rossignol. Un chant suprême dont la vie est le prix. Le monde entier se fige pour l'entendre, et Dieu dans son ciel sourit. Car le meilleur n'est atteint qu'aux dépens d'une grande douleur... Ou c'est du moins ce que dit la légende. Notre renaissance.

Deux âmes qui se lient en un regard, deux vies tumultueuses qui se rencontrent. Constance et Cohàk. Le féminin et le masculin, la fragilité et la force. Rien que deux êtres perdus en cette terre hostile et dévastatrice. Lui, arrivant tout droit de Stockholm. Elle? Moisissant depuis sa première heure dans ce taudis morbide. Lui, parlant peu français et gagnant sa vie par des multiples et divers services chez les uns, chez les autres. Elle? Rien. Le néant. Une absence totale de réaction, d'intérêt. Elle n'était qu'inutile, encombrante, envahissante bref, sa vie n'était pas. Ils sentirent la présence de l'un et de l'autre plus qu'ils ne se virent, la première fois. Les peines, les douleurs, les hantises sont parfois aveuglantes, mais réconfortantes. Dans le sens où l'on n'est pas seul, dans le sens où tout n'est pas perdu. Il y a encore un espoir de pouvoir s'en sortir, de trouver sa place au près de quelqu'un. C'est exactement le ressenti qu'eurent les deux jeunes gens. Une porte qui s'entrouvre, un pâle halo de lumière qui scintille. Deux cœurs qui battent à l'unisson. Ensemble. Toujours.

CONSTANCE - « Cohàk. Tu crois qu'on s'en sortira, un jour? » Un grognement réprobateur lui tint de réponse. Avec lui, nul besoin de paroles, de cris, de larmes, rien que sa présence, la chaleur de sa peau contre la sienne, l'éclat de son regard. Ils se comprenaient, se traduisaient, s'apprenaient en si peu de gestes que la première expérience s'était révélée troublante. Excitante, mais troublante. Il était le premier, le seul qui avait osé l'approcher et sonder son cœur en détresse. Le seul qui ne répugnait pas à lui apporter de la tendresse, de l'attention et surtout, de la protection. Comme tout enfant isolé, la dépendance gagnait son corps, gagnait son sang. Plus un pas sans Cohàk, plus une parole sans un coup d’œil sur sa personne. Il était son guide, son plus bel espoir, sa plus belle obstination. Ils étaient tellement semblables et différents à la fois! Allongée sur le dos, nichant sa tête dans le creux de son thorax, elle soupira d'aise. Heureuse, comblée, à ses côtés elle était entière. Et pourtant il ne fallait pas s'y méprendre: Cohàk n'était qu'un ami. Jamais il ne lui serait venu à l'idée qu'il pourrait en être autrement, malgré l’ambiguïté. Une main lui caressa la nuque, laissant flotter un sourire adulateur sur les lèvres rosées de la demoiselle. L'amour, un amour passionnel. Mais tellement innocent. Constance paraissait jouir de ces simples contacts, de ces quelques attentions. Il est à moi, je suis à lui. Tout va bien. Douce et possessive, obstinée quand à garder cet ange gardien qui ne lui veut que du bien. Soupir. « Si on reste ensemble, il y a un espoir. Peut-être, oui... »

COHÀK - L'aube. Un faible filet de lumière traversa les volets branlant, en piteux état. Son regard fit le tour de ce qu'il considérait comme sa chambre: miteux. Minable, lugubre, débraillé, sanitairement parlant horripilant. Mais c'était tout ce qu'il pouvait s'offrir, compte tenu de ses faibles revenus, cela suffisait. Pour lui. Une violente tendresse s'empara de son regard lorsque celui-ci se posa sur une forme endormie, recroquevillée sur elle-même. Constance. Constance. Son cadeau de bienvenue à Paris mais également son aller simple pour l'enfer. La tête entre ses mains, il soupira. La vie était cruelle. Oh il ne plaignait pas cette enfant, malgré tout ce qu'elle avait pu vivre et pouvait vivre encore. Les expériences forgent la jeunesse, forment le caractère. Bien que celles qu'elle vivait étaient tout bonnement abominables. Jamais ils n'en avaient parlé, mais il le savait. Il le savait à sa façon de trembler en présence d'inconnus, de fuir en présence d'une foule, de s'accrocher à lui comme une noyée. Puis ces bleus, toutes ces marques indélébiles sur ce corps aussi frêle... Une rage intérieure l'incitait à mettre fin à tout ce cirque. Mais la raison l'en dissuadait. Ce n'était pas ses affaires, bien que Constance fut la personne la plus importante. L'unique, la seule. Il ne pouvait toucher à sa famille, il causerait plus de mal que de bien. Le duel final se ferait entre son joyau et son géniteur. Personne d'autre ne serait invité dans la danse, seuls spectateurs de ce diabolique combat. Putain ce qu'il pouvait adorer cette gosse. Cette petite garce. Qui prenait de plus en plus de place dans sa vie, dans son être, ne lui laissant aucun instant de répit. A chacun de ses pas, il la soutenait. A chacun de ses gestes, il la surveillait. Hantise que d'être victime d'une nouvelle destruction de ce petit corps tant aimé, par sa faute. Ce n'était pas une simple relation de petit ami, petite amie, sexe, baise, partie d'jambes en l'air ou tout ce que vous voulez. Cet amour qu'ils partageaient était bien plus pur, bien plus spirituel que n'importe quoi d'autre. Aucune arrière pensée sale, sexuelle ou perverse. Rien que le bonheur d'être là pour l'un et l'autre, d'être ensemble. Pour toujours oui, il lui avait promis. Mais peut-être sans cesse tenir ses promesses? Surtout depuis qu'il se savait faible du cœur. Une faiblesse qui portait un nom: Constance.